En 1914, lors de son entrée en guerre, la Royal Navy britannique réquisitionne à titre préventif trois paquebots de la flotte civile : le Mauritania, l’Aquitania et le Lusitania. Des tâches militaires sont rapidement confiées aux deux premiers, tandis que le Lusitania est tenu en réserve. En attendant que lui soit attribué un rôle officiel, la compagnie maritime Cunard est autorisée à continuer à l’exploiter commercialement. Le 24 avril 1915, le Lusitania rallie New-York où il fait escale. Puis il repart le 1^er mai pour l’Angleterre, avec à son bord 702 hommes d’équipage et 1201 passagers dont 188 américains. Même en pleine guerre mondiale, personne ne pense qu’un bâtiment civil pourrait être attaqué.

Le 7 mai 1915, à 12 miles marins de la pointe sud de l’Irlande, un sous-marin allemand, le U-20, repère le navire. Ce prédateur des mers n’en est pas à son coup d’essai. Déjà, la veille et l’avant-veille, il a réussi à couler trois cargos britanniques en leur lâchant ses meilleures torpilles. A 14h10, le commandant allemand, le Kapitanleutnant Walther Schwieger, ordonne de tirer une torpille sur le paquebot anglais. L’impact est violent, et l’explosion de la torpille est immédiatement suivie par une deuxième explosion beaucoup plus importante. En 18 minutes, le Lusitania coule au fond de l’Atlantique, emportant avec lui en 1198 passagers et membres d’équipages, dont 128 américains et 63 enfants.

Et pourtant …

La deuxième explosion survenue après celle de la torpille reste bien mystérieuse. Elle a même complètement surpris le commandant allemand qui dans ses carnets note déjà l’hypothèse de la présence d’explosifs à bord. Les autorités britanniques, quant à elles, l’ont expliqué par la destruction d’une chaudière

On sait aujourd’hui, malgré la disparition ou la falsification de très nombreux documents, que le Lusitania transportait bien du matériel militaire en plus de ses passagers. On sait par exemple que 323 balles de fourrures étaient destinées à la société britannique Babcock & Co ; Or la dite société n’ayant jamais traité de fourrure  mais ayant déjà reçu des livraisons d’explosifs, le doute était permis et les historiens ont pu remonter le filon de l’énigme. De même, on a retrouvé la trace dans les registres de 3863 boites de fromage de plus de … 18kg chacune, à destination d’une boite postale qui s’est révélée être la propriété… d’une branche de la Royal Navy. Les sources divergent quant à la qualité exacte du matériel en question. Il y aurait eu à bord vraisemblablement plus de 51 tonnes d’obus, 6 millions de cartouches de fusil ainsi qu’une grande quantité d’explosif.

Le naufrage du Lusitania a eu de lourdes conséquences dans la suite de la guerre. Car en quelques semaines, l’opinion américaine, jusque là très réservée quant à la guerre en Europe, bascule en faveur d’un soutien officiel contre l’Allemagne, voire pour une intervention militaire directe. L’Allemagne suspend un temps sa guerre sous-marine, mais décide de la reprendre en janvier 1917, en menaçant, et cette fois officiellement, de couler absolument tous les navires américains, français ou britanniques quels qu’ils soient. Une décision qui pèsera lourd dans la volonté des Etats-Unis d’entrer directement en guerre, ce qu’ils feront en avril 1917.

Aujourd’hui encore, l’Amirauté britannique ne reconnait pas que le Lusitania transportait à l’époque du matériel de guerre en plus de ses passagers et s’en tient à la version officielle d’un torpillage sauvage sur un navire exclusivement civil.