Cette période de l'histoire de notre ville fut très importante, mais peu connue hors Bouchain, il nous fallait donc l'exposer sur notre site.

 

Savez vous que grace au courage des soldats qui ont fièrement combattu durant ces quelques jours à Bouchain, l'opération Dynamo (embarquement à Dunkerque) ne se serait surement pas déroulé tel que nous le connaissons.

 

Basés sur le livre de M.Obled relatant ces faits "les combats de l'Escaut" et un document "les écrits d'un combattants" que M.Maurice Betrancourt nous a confié, nous vous proposons un court résumé de l'Histoire.

 

D'autre part, Au musée de Bouchain situé dans la Tour d'Ostrevant, au 1er étage, les visiteurs peuvent découvrir une exposition sur cette bataille : de nombreux documents, textes, extraits de presse et photos

Sur ces photos, on y voit Hitler et ses généraux dans certains lieux en ruines de la ville, début juin 1940.

 

Mais que s'est-il passé à l'époque?

Et pourquoi Hitler, le chef des armées allemandes, l'homme qui voulait conquérir le monde, est-il venu à Bouchain?

POSONS LE DECOR !

Placé au confluent de l'Escaut et de la Sensée, incluse dans le quadrilatère de l'Ostrevant entouré de cours d'eau (la Scarpe, l'Escaut, la Sensée), Bouchain a toujours eu vocation de place forte militaire pour arrêter d'éventuels envahisseurs.(voir le plan des fortifications )

Elle fut maintes fois assiégée.

Louis XI faillit y être tué, François 1er la brûla, Charles Quint la fortifia puissamment.

Baudouin IV y avait fait construire une tour restaurée par Charles Quint, la Tour d'Ostrevant.

Plus tard, Vauban comprenant l'intérêt stratégique de la ville, l'inclut dans un système de places fortes (le Pré Carré) et modernisa ses fortifications extérieures.

La Place Forte se réactive en octobre 1939 au début de la guerre.

 

Elle devient le QG du 3ème corps d'armée, chargé de défendre les frontières du nord (35km de frontières entre Maulde et Wargnies) sur une zone axée sur le cours de l'Escaut.

Le Général Fornel de La Laurencie, commandant ce corps d'armée, installe ses bureaux dans la Tour d'Ostrevant et loge en ville basse.

Ainsi se passe les derniers mois de 1939 et les premiers de 1940, dans une certaine indifférence qui restera dans l'Histoire sous le nom de "Drôle de guerre".

Des travaux de renforcement des fortifications et de création de fossés anti-chars sont entrepris, la tour d'Ostrevant est coiffée d'une chape de béton armé, ainsi que la courtine qui jouxte le bastion des forges.

Le sort de la ville sera associé  à celui du 45ème R.I., un régiment de réserve dans la région de Montreuil, de la 4ème division.

Le 9 mai 1940, il est en réserve à Montreuil.

Le 10, il embarque pour la Belgique.

 

Suivent alors des trajets désordonnés en Belgique puis vers Valenciennes, les allemands ayant percé à Sedan et marchant vers la mer.

Les Panzer passent par la forêt de Mormal et Cambrai.

Pour protéger le flanc sud des armées alliées encore en Belgique, il est indispensable que plusieurs corps d'armées se placent sur l'Escaut, qui forme une barrière naturelle.

 

Bouchain devient ainsi un point défensif de premier plan au centre du dispositif français, tenu par la 4è division d'infanterie, épaulée vers le sud-ouest par la 25è Division d'Infanterie Motorisée du Général Molinié  et par les éléments de la 1ère Division Légère Mécanique.

La ville elle-même est tenue par le 45è R.I. du Colonel Desroches, un saint-cyrien.

Il est composé de réservistes des classes 29/30 et 35/36 provenant de l'Aisne, du Nord, de l'Oise, de la Seine, soit 4000 hommes.

 

DU 21 AU 26 MAI, IL RESISTERA SUR L'ESCAUT ENTRE BOUCHAIN ET NEUVILLE, EMPÊCHANT LES ALLEMANDS DE FRANCHIR LE CANAL.

 

PS : le 25ème DIM : rattachée au 1er corps d'armée au sein de la 7ème armée, cette division était des 38e (St-Etienne), 92e(Clermont-ferrand) et 121e régiments d'infanterie (Montluçon). Merci à M.Rakoto de cette précision

Pour le VIIIè AK (corps d'armée allemande Von Klüge), qui comporte 4 corps d'armée soit au total 11 divisions d'infanteries, 2 divisions blindées et une division SS motorisée, l'intérêt stratégique de la conquête de Bouchain fut évidemment de garantir la sécurité des convois circulant sur la RN 29 et empêcher l'arrivée de renforts par la RN3.

LE  FRONT  DE  L'ESCAUT

Le bastion des Forges sera un point de résistance efficace.

La Tour d'Ostrevant sera le poste de commandement de compagnie.

Un souterrain, ancienne galerie de contre-escarpe à l'épreuve de tous les projectiles, permet la liaison à l'insu de l'ennemi, à la limite sud de la ville haute.

La ville formera une position en hérisson bloquant la RN 43.

Une résistance improvisée par d'aussi modestes effectifs tiendra en respect les unités combattantes de 2 divisions allemandes.

IL  ETAIT  UNE FOIS  .... 3 PONTS !

Pour traverser le Canal de l'Escaut, 3 ponts :

  -  le Pont Laurent, (ou entre deux villes), qui sépare la ville haute de la ville basse.

   -  Le pont Malin, à l'écluse du même nom, situé en direction du Bassin Rond.

  - Et Le pont de La Cimenterie, ou de la SNCZ, en aval, qui était un ouvrage privé construit au début des années 1930 et ne figurait pas semble-t-il sur les cartes d'état-major.

En face, deux moles défensifs sont véritablement tenables : Bouchain ville haute, et Roeulx-gare de Lourches.

Les allemands s'apercevront  que d'attaquer de face est inutile, ils ne pourront prendre la ville que par son contournement.

LE  FRONT  DEFENSIF  et  LA  BATAILLE

Les journées des 17, 18 et 19 mai verront une situation apocalyptique de circulation côté français ; chars, blindés, infanterie à pieds ou motorisée, pièces d'artillerie. Chacun veut traverser le fleuve le plus rapidement possible pour échapper à la capture imminente.

Les mouvements sont opérés sous le survol de la Luftwafe. Parmi les réfugiés, s'infiltreront des éléments de la 5ème colonne.

Le fleuve est encombré de péniches coulées par les français en début d'attaque.

 

Le Pont Malin est détruit le 17 mai.

Les résidents de l'hospice Dronsart attendent les camions pour être transférer vers l'ouest, ils vivront une semaine de cauchemars.

 

Nuit du 19 au 20 mai

Des éléments avancés allemands se sont infiltrés sur la rive gauche de l'Escaut en empruntant le pont de la SNCZ, éloigné des voies de communication, et qui n'avait pas été miné.

Le Général Aymes ordonne au 2ème régiment de tirailleurs marocains, appuyé par quelques chars de la 1ère division légère mécanique déjà engagés deux jours plus tôt dans la forêt de Mormal, d'effectuer une contre-attaque.

 

Le 20 mai

Le général Musse réunit ses chefs de corps pour leur notifier les secteurs de la ligne de défense qui leur est confiée :

  -  le 12ème R.I. de Prouvy à Denain

  -  le 72ème R.I. de Denain au pont de Neuville

  -  le 45ème du pont de Neuville au Pont Malin, à la lisière sud de Bouchain.

Chaque régiment couvre un front d'environ 5km.

Le Pont Laurent saute le matin du 20, alors que l'ennemi est signalé par les dernières colonnes.

Le 45ème régiment prend place dans la nuit du 20 au 21 mai. 

"Aucun repli n'est envisagé"

L'artillerie adverse bombarde Bouchain pendant plusieurs heures, l'infanterie allemande creuse des tranchées.

Le  21  mai

Ordre sommaire de défense est adressé aux 2 bataillons et aux compagnies réglementaires de résister sans idée de recul.

Le  22  mai

La bataille se limite à des tirs d'artillerie.

Des péniches abandonnées encombrent l'Escaut et gênent la visibilité ; une équipe du génie incendie les péniches vides, celles chargées sont coulées sur place.

Des groupes légers ennemis qui tentent de traverser l'Escaut sur des canots pneumatiques sont repoussés par un tir nourri de mortiers et d'armes automatiques.

Le même jour, un bruit de moteur retentit dans la rue centrale de la ville-basse. Une moto avec side s'avançait et s'arrêta devant le pont détruit. Personne ne tira, mais au moment où le curieux rebroussait chemin on entendit une rafale, qui le blessa et mit la moto hors d'usage.

L'allemand grièvement blessé, réussit cependant à se trainer à l'intérieur d'un café proche.

La capture de ce blessé pouvait peut-être fournir des renseignements intéressants.

André Bouteille (1ère compagnie) se présenta pour exécuter cette mission. Mais l'allemand s'était caché derrière le comptoir, armé d'un pistolet ... on entendit des coups de feu, et Bouteille tua son adversaire, le fouilla et revint en apportant ses papiers.

Le  23  mai

Les allemands tentent de créer une tête de pont.

4H du matin : tirs de l'artillerie allemande au pont de la SNCZ, ils précèdent une tentative massive du canal. Un tir nourri de mortiers disperse les assaillants. Le poste mixte à la charnière entre les deux bataillons a subi des pertes sérieuses, il ne reste de la  section que le lieutenant, un sergent chef et 3 hommes.

Des groupes ennemis se sont néanmoins retranchés dans le sous-bois. Deux tentatives de reconquête de cette position échouent durant la matinée.

14H : contre-attaque de la 7ème cie ; elle ratisse la zone boisée sans trouver trace d'une présence ennemie.

21H : une section envoyée en reconnaissance dans le même secteur tombe dans une embuscade; le lieutenant est tué et plusieurs blessés faits prisonniers.

En face de Bouchain, toutes les tentatives allemandes de progresser dans la ville basse sont annihilées par des tirs d'armes automatiques, de mortiers et d'artillerie divisionnaire.

Durant toute la nuit, le commandant allemand décide de transférer les civils réfugiés dans l'hospice vers une cave moins exposée (caves de la mairie actuelle).

L'artillerie allemande, guidée par un avion d'observation (le mouchard), inflige d'importants dégâts aux immeubles susceptibles d'abriter les défenseurs.

A l'issue de la journée, le lieutenant Desroches transmet aux chefs de bataillons l'ordre du jour du général commandant la 7ème armée, qui évoque la disponibilité d'une rupture de manoeuvre ; il y ajoute que "le 45ème et les éléments qui lui sont adjoints ont tenu, ils tiendront encore. Votre colonel est fier de vous"

 

Le  24  mai

les français contre-attaquent dans la zone d'infiltration (zone boisée devant Boucheneul), mais dans le même temps la 8ème ID (division allemande) franchit le canal.

Ils comprennent qu'une attaque frontale contre Bouchain n'a aucune chance de succès et décident de contourner la ville.

Ils n'y parviennent pas totalement et souffrent de très lourdes pertes.

Un poste de secours installé dans le sous-sol du garage d'ostrevant regorge de blessés : le lieutenant médecin Mairesse, et l'aspirant Grand, se dépensent sans compter ; ils anesthésient les patients avec les vins et le champagne ramassés dans les caves du voisinage.

Durant toute la nuit, tous les blessés seront transférés dans le souterrain om ils seront en sureté.

 

Le  25  mai

OFFENSIVE DU 8e CORPS D'ARMEE ENNEMIE.

Le 8e a décidé de réduire définitivement le verrou de Bouchain qui ferme l'accès à la route nationale.

L’encerclement de Bouchain a commencé et la section du Lieutenant Lecomte enterrée au pied du dépôt de sable de la STARA, forme la corne sud du dispositif français ; admirablement placés, comme sur un promontoire, ses hommes interdisent l’accès de 2 rues de la ville-basse, et prennent sous leurs feux l’axe du canal jusqu’à l’écluse.

Le soldat Herent met hors de combat tous les servants d’un minenwerfer qui tentent de s’approcher du canal ; il empêche avec son FM, les pionniers allemands de jeter sur les murs d’écluse un pont provisoire. Ils devront attendre la nuit pour faire passer sur la rive gauche matériel, munitions et véhicules légers.

Le commandant allemand, pour limiter les pertes qui atteignent 50% dans certaines unités, décide de relever l’IR 84 par l’IR 38 et de faire intervenir massivement les Stukas sur Roeulx et Bouchain avant toute nouvelle attaque.

Ces bombardements en piqué, sirène hurlantes, ont lieu en fin de matinée.

le Colonel Desroches rassemble tout le personnel disponible de l'état-major et dirige ce groupe vers le secteur menacé. Au cours de cette action, il aura la main traversé par une balle.

Journée particulièrement pénible à Bouchain ; la soupe n'est plus assurée, les réserves alimentaires s'épuisent, la fatigue se fait sentir, les sirènes des stukas et le bombardement ne mollit guère ; 10200 cartouches furent tirées en une seule journée.

 

Le  26  mai

Alors que le front français craque de toutes parts, seule la 2ème compagnie est retranchée dans la Tour d'Ostrevant et le Bastion des Forges, dont les tirs interdisent le ramassage des blessés et font courir des risques aux prisonniers français. Le commandant allemand obtient du commandant Martin que 2 officiers accompagnent un capitaine allemand, qui sous couvert d'un drapeau blanc, vont négocier la reddition de la Tour et du Bastion.

A 15H30 toute résistance cesse dans Bouchain : les allemands ont 400 prisonniers dont 10 officiers, et estiment que le nid est vide.

 

LA  VILLE  EN  RUINES

Après  Le  27  mai

Le 27 mai, Après l'ordre de repli, le Colonel Desroches s'évertue, malgré son bras en écharpe, à distribuer les vivres aux rescapés de la division, puis à les arracher de l'étau qui se resserre autour d'eux.

Début juin, il est pris dans la poche de Dunkerque, le drapeau du régiment est brûlé.

Une partie du régiment parvient à embarquer et pour former le 158e RI de marche dans la région de Lisieux.

Le 26 juin, le régiment est dissout à Martigny.

Le Colonel Desroches meurt le 28 février 1942 après quelques jours d'une maladie foudroyante.

L'Aspirant Bruge du 45ème RI placera une partie de son drapeau sur le coeur du colonel.

HITLER  A  BOUCHAIN

Les combats se terminent sur la rive gauche de l'Escaut le 26 mai.

Les bouchinois restés en ville basse avec les pensionnaires et les religieuses de l'hospice Dronsart, ne seront autorisés à regagner la ville haute que le mardi matin ; ils empruntent une passerelle construite en aval du pont détruit, aboutissant à l'extrémité du rempart, face à la rue Morelle.

Pour faciliter le passage des véhicules militaires, les pionniers allemands ont fait sauter les deux contreforts qui renforcent le pignon du bastion.

Ils découvrent l'ampleur du désastre ;: nombre d'habitations détruites, le clocher effondré, des péniches brulants encore sur le canal.

Le samedi 1er juin, on déblaie les rues principales et le commandant allemand demeuré en ville demande en mairie que les habitants se présentent tous devant l'église le lendemain matin à 8H précises "pour raison sanitaire"

 

Le  2  juin

Les troupes allemandes contrôlent chaque habitation, quelques personnes invalides ou malades resteront chez elles gardées par deux soldats armés.

Les habitants du quartier de la gare seront ramenés en ville basse dans la cour de propriété où sont installés les religieuses et les pensionnaires de l'hospice.

Des réfugiés rentrés dans la nuit et découverts chez eux près des étangs seront emmenés et gardés au Fort Noir.

Maurice Becque faisant cuire du pain à la boulangerie en ville basse, sera autorisé à rester, gardé par deux soldats.

Ce jour, Adolf Hitler arrive en personne à Bouchain, deux automitrailleuses précédent le convoi, une 3e le suit, et un avion d'observation couvre la zone.

Le Führer est d'une humeur massacrante, bras croisés, lèvres pincées : il se fait expliquer en haut de la Tour d'Ostrevant les combats, et les raisons pour lesquelles ses divisions sont restées clouées au sol pendant une semaine, les empêchant de remonter vers le nord et de parfaire une victoire qu'il aurait voulu plus rapide et plus décisive.

Puis il repart avec sa délégation vers Iwuy.

Les bouchinois gardés à Boucheneul seront libérés vers 16h, ils évacueront la ferme Baron "comme une envolée de pigeons"

 

LA BATAILLE DE BOUCHAIN FUT UN CARNAGE, A LA GLOIRE DES COMBATTANTS ET DES CIVILS QUI VÉCURENT CES HEURES D'APOCALYPSE.